9 - MOUDDO, LE BOUT DU MONDE

 

 Des champs de lave, une plaine où subsistent quelques arbres et, au loin, le Moussa Ali. En ce mois de novembre, c'est la saison "fraîche": il fait de 20 à 25° la nuit et de 30 à 35° le jour. Je vous laisse imaginer les températures estivales...

 

 Les deux classes de l'école (à gauche), le dortoir désaffecté et ce qui fut le logement des enseignants à droite: c'est Mouddo!

  

 Vue vers l'ouest (frontière de l'Ethiope) au lever du soleil:

 

 Pour agrémenter les choses, le vent de sable se lève souvent dans l'après-midi:

 

 Non loin de l'école, un ancien poste militaire sur la colline. Ce poste a été construit par l'armée française dans les années 1940. Une partie de son histoire, écrite par un sous-officier, est racontée ci-dessous:

Peu de temps après cette péripétie, je fus désigné pour aller créer un nouveau poste à une quarantaine de kilomètres de Daddato , dans la région d'Andaba.

Avec une quarantaine d'hommes, quinze chameaux, armes et ravitaillement, nous prîmes une piste en direction du Moussa Ali dont le sommet pointu dominait l'horizon de ses deux mille mètres. Pendant deux jours, nous marchâmes dans une région d'oueds desséchés, bordés de falaises abruptes, du haut desquelles nous regardaient passer de nombreuses troupes de singes, chacune conduite par son vétéran. Puis, à perte de vue, s'étendit la plaine d'Andaba. C'est en bordure de celle-ci, sur les premiers contreforts rocheux du Moussa Ali, que nous décidâmes de créer notre poste. La mare d'Andaba, sorte de cuvette d'une centaine de mètres carrés, avec des berges de deux mètres de haut creusées à pic dans l'argile, s'étalait à un kilomètre du poste. Seuls deux étroits passages, en pente douce, permettaient d'atteindre le niveau de l'eau saumâtre qui servait à notre ravitaillement et à celui de nos bêtes.

Nous devions entrer en liaison avec le poste anglais des « King African Rifles », établi sur la route reliant Assab à l'Ethiopie, à proximité du lac Hally, appelé aussi lac Goum. Nous décidâmes d'assurer, chacun à tour de rôle, la patrouille de liaison, tous les quinze jours, avec la moitié de notre effectif méhariste. Entre deux patrouilles nous passions quelques jours ensemble, tous réunis au poste. Cela nous permettait (aux hommes et à nous-mêmes) de nous retrouver. Nous en profitions pour organiser quelques bonnes parties de chasse au mousqueton, français, et ponctuée de force gestes ! L'adjoint de Smith, essayait, tant bien que mal, d'apporter ses lumières ! Tout cela, avec l'appui du whisky, de la bière et du gin, se terminait fort tard dans la nuit. Je me souviens même qu'un soir, après avoir porté un toast au roi, un à de Gaulle, et un à Churchill, nous entonnâmes un étonnant « God save the King » suivi d'une non moins étonnante « Marseillaise » !

Le lieutenant Smith buvait le whisky aussi facilement que s'il se fût agi d'une vulgaire limonade . Comme son adjoint et moi nous ne pouvions le suivre sur ce terrain, nous avions néanmoins la satisfaction de l'aider à regagner sa chambre ! Le lendemain matin, propre comme un sou neuf, rasé de très près, toujours rouge comme une écrevisse, notre bon lieutenant Smith présidait avec dignité notre breakfast : porridge, œufs on bacon, thé des Indes... Pas un mot de notre bringue de la veille ! Je trouvais cela étonnant et déroutant. Les quatre jours que je passais au poste se déroulaient de la même façon. Le matin du départ, un peloton de Kényans alignés nous présentait les armes ; puis, le lieutenant Smith venait me serrer la main et m'offrait une ou deux boîtes de cigarettes anglaises. J'ai conservé de ces contacts un excellent souvenir.

Ainsi s'écoulaient, dans un paysage calciné, sous une lumière aveuglante, les journées au cours desquelles il n'était pas rare de relever des températures allant de 35 à 40° degrés, à l'ombre ! Opérations de patrouilles, contrôles et vérifications occupaient pleinement notre temps. Les quelques jours que nous passions au poste, bien que très actifs, étaient pour nous une vraie détente.

Vers le milieu de février 1942 nous quittâmes Andaba, abandonnant notre cher poste de pierres sèches et nous revînmes au poste central de Dadato. Pour le « Peloton Méhariste Français Libre », la campagne d'Erythrée prenait fin et il était question de ramener nos hommes en Somaliland britannique où devait leur être attribuée une autre mission.

La carte de la région d'Andaba à cette époque:

 

 Le logement des enseignants ressemble beaucoup à celui que j'occupais en 1976:

 

 Tous les matins à partir de 5h30, des dizaines de pigeons font un vacarme infernal sur les toits:

 

 

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